La musique Hindustani est la musique de l'Inde du Nord alors que la musique Carnatique est la musique de l'Inde su Sud. Leurs origines sont les mêmes et remontent aux temps védiques, il y a plus de 2000 ans, mais le style est différent.


La musique Hindustani a été influencée par l'Islam, venant du Nord par le Pakistan et la Perse.

En revanche, la musique carnatique, dans son champ d'application est beaucoup plus lié à la danse indienne ( Bharata Natyam, Kuchipudi, et Kathakali en particulier )

Dans les deux cas, quand on parle de musique classique indienne, qu'elle soit liée à la danse, au chant ou qu'elle soit purement instrumentale, il s'agit plus d'une expérience "mystique" qu'un simple passe-temps pour l'auditeur indien. Mais attention, le but n'est pas ( comme il a pu être exploité par les sectes diverses ) d'atteindre une quelconque extase religieuse, il s'agit de faire ressentir à l'auditeur les vibrations du monde, le faire se sentir en symbiose avec l'univers qui l'entoure ou de réguler les passions, et, dans le cas de la danse, quelquefois, d'illustrer les textes sacrés.

Le raga, base de la musique indienne

Tentative de définition...

Concept central de toute la musique indienne, ce terme sanskrit signifie littéralement "passion", "couleur" et "attachement".

Un raga peut être défini comme une combinaison particulière de notes avec des ornementations ( varnas ). Pour employer une image pas tout à fait fausse on peut dire que le raga est à la musique indienne ce que le choral est à la musique de J.-S. Bach : Un thème précis sur lequel on peut improviser et que l'on retrouve tout au long de l'exécution sous différentes formes ornementées.

Le même "thème" se retrouve donc dans des exécutions différentes d'un même raga par des artistes différents. Cependant ce thème est parfois difficile à dicerner. Il faut à l'auditeur débutants de nombreuses écoutes et beaucoup de patience pour pouvoir déceler le liens qui les relie. C'est une formation de plusieurs années parfois.

Si on veut expliquer ce qu'est un raga en détail, les choses se compliquent très vite : les ragas ( il y en a énormément ) sont des combinaisons de notes ( au minimum cinq ) prises dans l'un des dix modes ( thaat ) de la musique indienne, chaque mode contenant sept notes. Ces modes ont pour effet d'évoquer des sentiments particuliers allant de la joie à la tristesse selon l'occasion, le moment de la journée ou de l'année où le raga est joué. Pour les puristes de la musique indienne, ces sentiments évoqués se rapprochent plus de l'expérience mystique que de la simple recherche du plaisir musical.

Chaque raga possède un climat qui lui est propre et qui est défini par les swaras utilisés, les gamakas de ces swaras, l'ordre dans lequel ces swaras apparaissent.

Nous pouvons commencer à comprendre les titres des ragas :
Le raga Puriya-Kalyan est donc un raga basé sur le mode ( thaat ) Khalyan ( SA RE GA MA' PA DHA NI SA ). Mais ce raga n'utilise pas les sept swaras de Khalyan. Il en utilise seulement six : SA RE GA MA' DHA NI SA. C'est sur cette base de six swaras que le thème du raga est composé.

Aroha et Avaroha (mouvements)

Le thème d'un raga comprend deux parties : Une partie ascendante appelée Aroha et une partie descendante appelée Avaroha. Ces deux partie constituent le thème de base du raga.

Reprenons l'exemple de Puriya-Khalyan :
Aroha : NI1 RE2 SA2 GA2 MA'2 DHA2 NI2 RE3 SA3
L'indice 1 indique l'appartenance de la note à la première octave, etc...
Remarquez au passage, l'inversion des notes SA et RE dans l'ascension, créant ainsi le thème de puriya.
Avaroha : SA3 NI2 DHA2 MA'2 GA2 RE2 SA2
On remarque ici que l'avaroha n'est pas l'inverse de l'aroha mais complète le thème : le RE3 et le NI1 n'en font pas partie et les deux notes finales de l'avaroha sont dans le même ordre que dans l'aroha.

Talas (rythmes)

Les talas sont les différents rythmes possibles dans la musique indienne. Il y en a à 3 temps jusqu'à 108 temps ! Mais des talas différents peuvent avoir le même nombre de temps, selon la manière dont ces temps sont décomposés, selon le temps qui sera appuyé, etc... Les plus courants sont les suivants :

Dadra, cycle rythmique à 6 temps : 3-3
Rupak, cycle rythmique à 7 temps : 3-2-2
Jhaptal, cycle rythmique à 10 temps : 2-3-2-3
Ektal, cycle rythmique à 12 temps
Adha-Chautal, cycle rythmique à 14 temps : 2-4-4-4
Teen-Tal, cycle rythmique à 16 temps : 4-4-4-4

Le tala d'un raga fait partie de la définition de ce raga.

Exécution d'un raga

Lors de l'éxecution du raga ( qui peut durer plusieurs dizaines de minutes voire plusieurs heures dans des cas exceptionnels, la durée courante étant comprise entre 30 et 40 minutes pour Puriya-Kalyan par exemple ) on peut distinguer plusieurs étapes :
L'Alap : Dans cette première partie on assiste à l'élaboration lente du raga dont les caractéristiques modales sont exposées et développées. Elle s'exécute sans percussions. Durant cette partie, le musicien "éveille" la tonique, l'alap est une introduction lente et cruciale sur laquelle se reposera tout le reste.
Jod : Ici est introduite une pulsation rythmique de base. Le rythme s'accélère progressivement. Les ornementations se font de plus en plus savantes.
Jhala : C'est le mouvement final de l'élaboration du raga. Les mouvements rythmiques sont très rapides, aboutissant au climax final et à sa dissolution, en général brutale.

 

Do Ré Mi? Sa Re Ga?

Nous parlerons ici essentiellement du système de notation en vigueur dans l'Inde du Nord.

Les swaras (notes)

L'octave occidentale ( do ré mi fa sol la si do ) est appelée ashtak dans la musique indienne. Mais ce terme est peu employé car les musiciens indiens parlent plutôt des sept notes non répétées ( do ré mi fa sol la si ) soit saptak, ( asht signifie huit et sapt signifie sept ).

Les sept notes de la saptak sont les suivantes :

SA RE GA MA PA DHA NI


et qui correspondent à peu près aux sept degrés de l'échelle occidentale. Leur noms viennent des mots Shadjam (Sa), Rishabam (Ri ou Re), Gandharam (Ga), Madhyamam (Ma), Panchamam (Pa), Dhaivatham (Dha) et Nishadam (Ni).

Comme dans l'échelle occidentale des subdivisions entrainent l'apparition de notes supplémentaires utilisables par le musicien ( ce sont les touches noires du piano par exemple ). L'ensemble des notes jouables par le musicien ( touches noires et blanches du piano ) sont les swaras. Il s'agit de :

SA RE RE GA GA MA MA' PA DHA DHA NI NI SA


Les notes soulignées indiquent un bémol ( diminution d'un demi-ton environ ) et le MA' indique un dièse ( élévation d'un demi-ton ).

Attention : le fait qu'il y ait douze swaras n'implique pas que la musique indienne soit une musique dodécaphonique comme il est souvent affirmé. Ces douze notes sont aussi présentes sur un clavier occidental et Bach n'a jamais composé de musique dodécaphonique ( ça se saurait... ).

Les thaats (modes)

En fait, les musiciens utilisent, comme dans la musique occidentale différents modes ( thaat ).

Dans la musique d'Inde du Nord il y a dix thaat ( modes ) qui sont nommés ainsi :
Bhairava : SA RE GA MA PA DHA NI SA
Asavari : SA RE GA MA PA DHA NI SA
Khammaj : SA RE GA MA PA DHA NI SA
Todi : SA RE GA MA' PA DHA NI SA
Kafi : SA RE GA MA PA DHA NI SA
Bilaval : SA RE GA MA PA DHA NI SA
Kalyan : SA RE GA MA' PA DHA NI SA
Pooravi : SA RE GA MA' PA DHA NI SA
Marava : SA RE GA MA' PA DHA NI SA
Bhairavi : SA RE GA MA PA DHA NI SA

Pour continuer le parallèle avec la musique occidentale, on pourrait dire qu'un raga composé sur le thaat Bilaval correspond à un thème joué en mode majeur.
Remarquons au passage que la musique indienne connait dix modes alors que la musique classique occidentale n'a principalement utilisé que les modes majeur et mineur. Le jazz et la musique contemporaine ont redécouvert l'emploi des autres modes.

Tempérament

Une différence fondamentale entre la pratique musicale indienne et la pratique occidentale est que le swara SA, et par conséquent les autres swaras, n'a pas une hauteur fixée, une fréquence précise. Dans la musique occidentale, toutes les notes occupent une place bien précise dans le spectre des fréquences (le la3 est fixé de nos jours à 440 hertz). Dans la musique indienne, l'exécutant fixe lui-même la position du SA et accorde son instrument à partir de cette note dont il a décidé de la fréquence. Ainsi, un SA, peut tout aussi bien être un do, un sol, un ré bémol ou tout autre chose entre deux degrés de notre échelle occidentale.
Ce fait a pu laisser penser que la musique indienne est une musique microtonale, ce qui est inexact. Elle respecte la subdivision en demi-tons ( les douze swaras ), qui, dans quasiment toutes les cultures, est utilisée, car, la plus à même d'être harmonieuse ( voir théorie des harmoniques, etc... ). La musique archaïque indienne de type védique, à l'origine du système des ragas, n'utilisait que sept mêmes swaras au lieu de douze. Mais ces sept swaras n'étaient pas le résultat d'une division par sept de l'octave mais bien de sept notes parmi les douze de la subdivision en demi-tons. Le chants védiques plus anciens encore n'utilisaient que trois mêmes swaras parmi les douze, certaines musiques chinoises n'en utilisent que cinq, etc...

Gamaka

Pour aller un peu plus loin sur le sujet de la microtonalité, on peut ajouter que selon le raga joué et le caractère qu'il doit développer, l'écart entre les swaras n'est pas toujours le même, y compris pour un même thaat (mode). Les swaras peuvent alors ne pas correspondre exactement à la subdivision naturelle de l'octave (par subdivision naturelle on entend la subdivision résultant d'un rapport simple de fréquences entre les notes et non la subdivision rigoureusement chromatique de notre "clavier bien tempéré"). Cette déviation par rapport à la gamme naturelle s'appelle gamaka et est tenue par les spécialistes comme le coeur et le principe fondamental de l'exécution des ragas.

On peut aussi évoquer le fait qu'il existait autrefois une division de l'octave en un nombre plus important de subdivisions, ou shrutis. La plupart des spécialistes s'accordent sur le fait de l'existence d'une subdivision en 22 shrutis mais d'autres parlent de 24, 44, 49, 66 shrutis ! Mais cela n'est plus d'actualité, tous les musiciens actuels reconnaissant l'existence de douze swaras issus de la gamme naturelle comme il a été exposé plus haut.